La voie de l'Afrique, de Dakar à Saint Louis

Le chemin du fleuve

Le choix de ce voyage c'est d'abord le fleuve Sénégal, ce moyen qu'ont utilisé les aventuriers de tous poils pour pénétrer ce continent riche de promesses au cours de la 2ème moitié du 19ème siècle.
C'est l'aventure du fleuve avec les risques en moins et les rêves des premiers regards de l'homme blanc.
Ce n'est pas un bateau mais un vol sans histoire qui nous transporte, partis de Paris sous le signe d'un beau soleil vers l'ancienne capitale de l'Afrique de l'Ouest
Nous sommes attendus à l’aéroport Léopold Senghor de Dakar par Betty chez qui nous avons réservé une chambre. Elle nous guide dans le taxi brinqueballant, la majorité des engins roulant en Afrique, tandis qu’elle rentre en moto avec son conjoint.

Accueil plus que sympathique, embrassades, tutoiement de rigueur et grands sourires de Betty et de Moussa.
Le trajet de 45 min un vrai gymcana dans ces quartiers excentrés de Dakar, des images saisissantes de la vie animée du soir .
Accueillis à l’auberge nous échangeons pendant une heure malgré l'heure tardive, avec ce jeune couple sympathique qui gère le gîte. Elle, est infirmière d’origine camerounaise formée en France venue s’installer ici après avoir fait connaissance de son futur compagnon, couturier de son état, au cours du pèlerinage musulman du Boutou.
Premier en contact, porteur d’autres rencontres enrichissantes, prometteur avec les habitants du Sénégal.

De Dakar à Saint Louis

Le vendredi matin 7 Janvier, lever à 7h30 et après un petit déjeuner frugal, direction la garde routière de Pikine sur les conseils de nos hôtes pour prendre le taxi brousse qui nous conduira à Saint Louis.

Grosse négociation sur les prix, c’est la règle ici et on s’installe dans le 7 places sur la troisième banquette, la plus inconfortable, pas le choix on est les derniers arrivés, même pas le privilège de l’âge.
Foi de routard on va  pas se laisser impressionner de prendre un véhicule surchargé, avec des portes qui ferment à peine et un pare brise bien étoilé, pas reluisant le carrosse.

5h30 de route bien à l’étroit, serré, les genoux sous le menton, va-t-on tenir jusqu’au bout ?
Nos voisins, la dame à côté du chauffeur avec son bébé, juste devant le gros marabout et deux hommes à côté, et le jeune prof de math de collège à Saint Louis à côté de nous avec qui j'échange des propos sur la vie quotidienne ici.

A mi-chemin ça devient dur pour les genoux et le postérieur, en bougeant un peu. Sinon belle route à travers la savane et les villages agrémentée de quelques arrêts animés par les vendeuses de clémentine et cacahuètes.



Finalement on arrive en bon état à Saint Louis, pas trop secoué, la route nous a fait grâce des trous. Nous nous installons à l’auberge du Sud, chambre confortable en face du grand bras du fleuve près du célèbre pont Faidherbe, impressionnant sous la  lumière de fin de journée.
Histoire de se remuer de se désengourdir une petite ballade autour des quais qui ceinturent l’île.
Sur le petit bras du fleuves des centaines de grosses pirogues de pécheurs qui passent, impressionnantes pour rejoindre la mer et pêcher pendant la marée de nuit.

Assise sur un petit mur de protection Michelle se fait amorcer (c’est le mot qui définira au final cette rencontre bien qu’on ne le sache pas encore) par un élégant sénégalais dans son boubou, sympathique pêcheur, d’après ses dires.  Il nous a pris dans ses rets par une histoire bien amenée, pour nous soutirer un peu de monnaie.

Un vrai roman que sa vie, si on l'en croit, bien ficelé et qui nous a laissé rêveur au point d’en oublier le côté réaliste des choses. La nécessité pour vivre ici de trouver des moyens de subsistance, il fait la manche de façon bien travaillée.
Les africains ont de vrais talents de conteurs on s’est laissé prendre au jeu sans rancune pour le billet glissé discrètement dans son boubou. Pour qu’il puisse donner l’argent à sa femme !!!!
On finira la journée sur un plat sénégalais bien apprécié et en guise de gâteau d’anniversaire d’Alain un ersatz du cru.


Saint Louis est un lieu idéal pour nos premières "impressions", au double sens, du Sénégal, sur nos sens, une façon presque naturelle d'acclimater regards et sensations. Son passé et ce qu'il en reste d'un peu suranné de l'architecture et de l'ambiance nous sont presque familier.
Sur son île, Saint Louis, jadis prospère grâce à la gomme arabique mais aussi à la traite des esclaves vit dans le souvenir de son passé colonial.
De cette époque il reste quelques bâtisses à moitié en ruine, de vastes entrepôts, des balcons en fer forgé et des façades colorées plus ou moins restaurées depuis le classement de la ville au patrimoine mondial de l’Unesco.
Ce très bel escalier se trouve dans la cour de l’ancienne maison des sœurs de saint-Joseph de Cluny aujourd’hui Inspection générale des Impôts.
Le pont Faidherbe l’emblème et le joyau de la ville permet d'atteindre la vieille ville. Il  a été construit en 1897. Souffrant de la corrosion, il a été rénové en 2011 grâce à des fonds français. D’une longueur de 515 m sur 6,20m de large il comporte une travée tournante pour permettre le passage des bateaux
De la couleur partout et sur tout : les tenues, les bateaux, les bus, les fameux "cars rapides".....
Même les étals des ustensiles de cuisine prennent des teintes vives.

C'est en calèche que nous arrivons à Guet Ndar le quartier des pêcheurs, un quartier à forte densité de population (une des plus fortes concentrations humaines au monde), rue principale et ruelles bondées. L'appareil photo n'est pas très apprécié aussi il vous faudra vous fier au récit.
Des pirogues à perte de vue sur cet espace de la langue de Barbarie.
Sur la plage jonchée de détritus et de cadavres de poissons, femmes et enfants se précipitent au devant des bateaux.


Le poisson est trié,
 Certains sont tout de suite cuits dans de gros chaudrons.
D'autres sont mis sur des claies et fumés. L'odeur est violente, nez sensible s'abstenir.

Cette expédition marquera les esprits de chacun c'est certain.
Nous rejoignons le bateau pour un pot de bienvenue organisée au bar du solarium. Cet espace sera le lieu de rencontre préféré du groupe (nous sommes 22 voyageurs, l'équipage est composée de 12 personnes).
La salle du restaurant est déjà prête, nous sommes déjà conquis par cette entrée en matière.


L'île de Gorée, symbole de la traite des Noirs.

Réveil matinal, c'est notre dernier journée d'excursion.
Nous allons prendre la chaloupe de 7h 30 pour l’ile de Gorée. Petite île qui se visite à pied et qui est inscrite au patrimoine de l’Unesco depuis 1978. Une brume recouvre Dakar et nous n’apercevons l’île qu’au dernier moment. Dans la chaloupe nous sommes les seuls touristes et nous pourrons ainsi arpenter tranquillement les petites ruelles serpentant entre les maisons coloniales qui ne manquent pas de charme et de couleurs.

900 m de long sur 300 m de large c’est pas bien grand. Nous rejoignons le fort d’Estrées en passant par la minuscule anse de sable, on est déjà sous le charme.
De ruelles en ruelles nous découvrons les maisons fleuries de bougainvilliers, les petites places ombragées, les vieilles batisses à arcades,
et bien sur la très symbolique maison des esclaves.
Construite par les Français en 1783, cette maison rose, flanquée d’un escalier en fer à cheval est la dernière esclaverie de l’île. Au rez de chaussée  200 esclaves étaient rassemblés et triés hommes, femmes, enfants, jeunes filles, récalcitrants. ….des cellules insalubres ils étaient embarqués par « la porte du voyage sans retour » que l’on apercoit derrière ce bel escalier.
Au 1er étage les appartements du maitre aujourd’hui sont exposés documents et objets sur le commerce triangulaire.
Si Gorée n’a pas été un haut lieu de l’esclavagisme c’est un lieu de mémoire.
Nous poursuivons notre escapade en direction de l’extrémité sud de l’île pour atteindre ‘le Castel’ culminant à 30m.
Les différents forts qui y ont été construits sont remplacés par un monumental mémorial de l’esclavage. La brume toujours présente nous empêche d’apprécier le panorama sur l’île et sur Dakar.
Nous terminerons cette journée par une visite plutôt originale puis que nous sommes attendus par un très bon client de Sévérinne, Jean françois Lapeyre directeur technique de l'usine de cartonnage et imprimerie "La Rochette".
Des machines impressionnantes mais aussi des hommes en plein travail et un échange intéressant sur la vie d'expatriés au Sénégal.
Une réalité du pays qui emploie beaucoup d'européens dans les métiers et les industries techniques, signe que le pays ne s'est pas entièrement libéré de la tutelle des pays occidentaux qui y trouvent bien entendu de gros avantages.

Le chemin du fleuve à bord du "Boud El Mogad", la route des Comptoirs

Embarquement pour la croisière.

C’est à 7 heures précises après notre première nuit à bord que nous quittons le quai, en laissant le pont Faidherbe illuminé.
Très vite le ciel s'embrase, l'activité sur le fleuve démarre et les premières embarcations de pêche apparaissent.
 Notre cabine est plus que confortable, lavabo, douche et WC et donne sur la coursive du niveau 2.
Nous sommes au dessus de la dame en blanc, derrière la bouée de sauvetage.
Le bateau s'ébranle au rythme lent des deux vieux moteurs de 250 chevaux pilotés par Ousmane.
Le Bou El Mogdad entame sa tranquille remontée dans un ronronnement bien audible .
La salle des machines de ce bateau de 1930 avec son moteur d'origine
Notre remontée du large fleuve a pour première étape le parc ornithologique du Djoudj.
Nous profitons des premiers paysages des rives pour nous positionner aux endroits stratégiques du bateau 'le solarium') pour prendre les meilleures photos, activité à part entière durant toute la croisière.
Nous passons la grande écluse du barrage de Diama, construite pour stopper la remontée du sel qui rend infertile les terres agricoles. Touche de modernité étonnante dans ce ce milieu encore peu développé.

 

Superbe Escale dans le magnifique parc ornithologique du Djoudj

Troisième du monde en termes de quantité et de nombre d’espèces d’oiseaux. Les obturateurs vont chauffer. Arrivé à 16h c’est la grande barcasse à fond plat qui nous approchera du parc. Tout au long de cette balade nous serons émerveillés par la myriade des oiseaux qui nichent ici,
Pélicans en grand nombres:

Spatules, cormorans, aigles ou balbuzards pêcheurs….

En chemin nous surprenons les crocodiles dans leur principale activité de se dore au soleil.
C’est par la nicherie des pélicans sur une petite île que nous achèverons ce magnifique spectacle des oiseaux qui vivent où se posent ici par milliers avec une précision de pilote de chasse.

Et voila nous voguons sur le fleuve ..
Notre premier jour magnifiquement présenté par ce lever de soleil sur le fleuve, un plaisir de tous les jours.
Moments magiques
Levage de l’ancre à 7h et dans la foulée petit déjeuner copieux œufs brouillés, ou miroir, fruits, fromages et bien sûr café, pain, beurre et confitures tout pour satisfaire Michelle et attaquer la trépidante journée du croisiériste.

Les jours de navigation comme aujourd’hui lecture ou sieste sur le pont supérieur.
Observation de la vie des deux rives du fleuve, à la jumelle ou pour prendre des photos des scènes de la vie quotidienne des riverains.  Le côté mauritanien peu cultivé et le côté sénégalais avec ses terres rizicoles.
Des bras pour le fleuve nourricier
Ensuite un peu d’activité sportive avec quelques brasses dans la petite piscine de 4m sur 5, faites le calcul du nombre de longueurs nécessaires pour faire votre kilomètre quotidien?

Et puis un des moments les plus attendus de la journée l’apéro de midi à l’ombre du taud sur le pont supérieur.

Nous bénéficierons d’une séquence culturelle, avec notre guide Ansou qui nous conte l’histoire de ce coin de Sénégal, de son langage vivant, châtié et truffé de truculentes expressions sénégalaises.
Une conférence de terrain, s’appuyant sur la carte de l’Afrique pour l'histoire des migrations et la vie du chef guerrier Bou El Mogdad conquérant des vastes territoires, personnage  qui a donné son nom au bateau.
Puis vient le repas de midi toujours soigné au menu un plat du pays préparé dans la petite cuisine du bord, Michelle participera a une activité cuisine, le levage des filets de poisson.
L’après-midi, deux sites de visite dans cet ancien comptoir colonial, un bâtiment décrépi joliment nommé la "folie du baron Roger". Ensuite nous nous rendrons sur l’exploitation du 2ème plus gros employeur du pays la Compagnie Sucrière du Sénégal, au bord d’un immense champ de canne à sucre avec d’intéressants commentaires sur son exploitation. Une visite du site était prévue mais les coupeurs de canne sont en grève et l'usine est arrêtée, .
Retour au bateau en une vivifiante marche à pied
Ce soir c'est la soirée du commandant, une belle table et quelques trémoussements sur le pont dans une ambiance très sympathique.

 Pour bien débuter la journée, quoi de plus tonifiant que les éclatantes lumières du ciel africain.
Nous naviguerons jusqu'à la mangueraie qui borde le village de Goumel, dans une bouche du fleuve pour un Pique-nique autour du plat national sénégalais le"thiéboudiène" ou "riz au poisson".


Je ne savourerai pas ce plat car malheureusement dès la première bouchée j'ai confondu poivron et piment aie aie aie !! Poisson, riz, patate douce, choux, carotte, navet, manioc, tomates.......compose ce plat.
Départ avec l'annexe du bateau pour le village wolof de Dagana et visite de cet ancien comptoir de l'époque coloniale. Il conserve les restes d'un ancien fort, transformé en hôtel et quelques magasins de commerce.

Le nouveau Fort

Le marché de Dagana. 




Le directeur d'une école nous fait la leçon sur son programme éducatif. Au tableau de la classe Wolof et français se côtoient.
 
Nous irons ensuite chez un teinturier spécialiste du batik, art typique de l'Afrique occidentale.
Pour finir par le décorticage et l'ensachage du riz produit ici et base de l'alimentation au Sénégal. Nous achèterons quelques sachets de ce riz de la vallée, une façon aussi de participer à l'effort des villageois pour s'en sortir.
 

Ce chemin du fleuve de voie de colonisation s'est transformée en chemin de rencontres.

Découverte de la vie animée par le fleuve ou hommes et animaux puisent la vie.


Retour au bateau sous une belle lumière rasante,  un dernier regard sur Dagana qui en Wolof signifierai " endroit propice"